Le partenariat avec la Tunisie : un outil contre la crise :
1- La première idée concerne la crise, qui constitue une contrainte majeure pour les entreprises tunisiennes et françaises. Toutefois, si nous ne commettons pas d’erreurs dans nos réactions et rejetons la tentation du protectionnisme, la crise peut devenir une occasion d’améliorer la compétitivité mondiale des entreprises européennes et méditerranéennes. En d’autres termes, nous sommes confrontés aux mêmes difficultés et la crise doit pouvoir nous rapprocher.
2 – Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, c’est qu’il ne faut pas se méprendre sur nos concurrents et que, contrairement à certaines idées reçues, si une entreprise française s’implante en Tunisie, dans la plupart des cas, elle conservera des emplois français. Il n’en va pas de même pour la relocalisation lointaine et complète, qui est différente de ce que j’appellerais les institutions de proximité et complémentaires.
Et il ne s’agit pas d’une simple rhétorique : des données mondiales et des centaines de cas de partenariat illustrent bien cette idée. Premièrement, les données globales montrent clairement que la Tunisie et la France constituent un partenariat gagnant-gagnant.
Entre 1995 et 2008, les échanges entre les deux pays ont plus que triplé, passant de 2 milliards d’euros à près de 7 milliards d’euros. Les exportations industrielles de la Tunisie vers la France ont quadruplé, passant de 1 à 4 milliards d’euros. En revanche, la Tunisie a triplé ses importations de produits français, passant de 1 à 3 milliards d’euros.
Cette dynamique a également permis de tripler le nombre d’entreprises industrielles françaises implantées en Tunisie, passant de 400 à 1200 (tous les cinq jours, une nouvelle entreprise française est créée en Tunisie, et le processus se poursuit), ce qui a permis de doubler le nombre d’emplois créés par ces entreprises, de 50 000 à 100 000 entre 1995 et 2008.
Mais la meilleure preuve que les 100 000 emplois créés en Tunisie ont créé ou maintenu le même nombre d’emplois en France vient de centaines d’exemples concrets.
Nous retrouverons tout à l’heure certains de ces exemples très illustratifs, et je pourrais en citer bien d’autres, qui illustrent parfaitement les plus de 2000 entreprises européennes enregistrées en Tunisie, dont plus de la moitié sont des entreprises françaises utilisant les sites de production tunisiens pour une partie de leur potentiel de croissance.
Cela correspond au slogan de la campagne que nous venons de présenter. Trouver Grouth Pensez Tunisie : la vallée industrielle et technologique d’Euromed. En d’autres termes, en bon français : le partenariat avec la Tunisie comme outil de lutte contre la crise. Cette campagne sera réalisée avec l’UTICA et sera lancée en Europe au début du mois de mai.
Dans ce contexte, je voudrais mentionner le témoignage présenté par CORTIS l’année dernière.
CORTIS est une société française de TIC.
- En 2004, elle comptait 50 emplois en France et était exposée à une concurrence intense.
- La société a créé une filiale en Tunisie et offre désormais 700 emplois en France et 500 en Tunisie.
Il en va de même pour l’entreprise de vêtements C2S.
- En 2000, on comptait 140 emplois en France, une région qui perdait des entreprises textiles.
- En s’installant en Tunisie, C2S a évité la fermeture de nombreuses entreprises similaires, maintenu des emplois en France et créé 200 emplois en Tunisie.
Ces exemples, et bien d’autres, montrent que l’équilibre des coûts entre les sites des deux côtés de la Méditerranée améliore la compétitivité au niveau mondial.
Une autre composante de ce partenariat fructueux qui contribue au progrès de nos échanges est la politique des partenaires industriels (sans utiliser le terme de « compensation », interdit en principe), qui a fait ses preuves dans les secteurs de l’automobile et de l’aviation.
En effet, contrairement à la plupart des pays en développement, la Tunisie dispose d’un parc automobile presque exclusivement européen et non asiatique, ce qui est sans doute lié à la compétitivité de l’industrie européenne, mais aussi au fait que le gouvernement tunisien a volontairement opté pour cette solution en échange de la production de composants en Tunisie.
Il en va de même pour le secteur de l’aviation, où le projet phare AEROLIA est mis en œuvre en échange d’un contrat à long terme pour l’acquisition d’Airbus.
Tout cela pour répéter que si la crise crée de fortes pressions à court terme, elle peut aussi créer des opportunités structurelles.
Telle est la conclusion de l’étude stratégique de 2016, qui a fixé des objectifs ambitieux : doubler les exportations et créer 100 000 emplois industriels nets à cette date.
Un certain nombre de facteurs objectifs, tels que la hausse des prix en Europe de l’Est, le retour relatif de la Chine et l’accroissement de nos avantages comparatifs, font que les années à venir sont très prometteuses pour l’industrie tunisienne et pour les partenaires qui voudront la rejoindre.
L’évolution de notre avantage comparatif se traduit notamment par l’innovation et le mouvement ascendant dans l’industrie, de la sous-traitance à la co-traitance et au développement, c’est la TROISIÈME IDEE que je voulais souligner.
SAGEM, TELNET, ACTIA, ST MICROELECTIQUE et bien d’autres entreprises ont récemment ouvert des bureaux d’ingénierie et de conception parallèlement à leurs divisions industrielles.
Notre plan stratégique vise à décupler le nombre d’ingénieurs travaillant dans ces installations.
Ce plan stratégique met également en avant une liste d’une vingtaine de technologies clés à maîtriser : électronique embarquée, mécatronique, calcul haute performance, multiplexage, textiles et plastiques techniques, composites, etc.
En revanche, entre 1995 et 2008, nous sommes passés de moins de 100 000 à 360 000 étudiants, soit 3,6 % de la population universitaire, ce qui est identique à la France.
Ce potentiel en ressources humaines, les énormes fonds alloués à l’éducation (20% du budget) et à la recherche et développement (1,25% du PIB) rendent crédible et nécessaire cette évolution vers le haut de notre partenariat.
Les accords que nous avons déjà eu le plaisir de signer entre les ministères de l’Industrie français et tunisien, concernant notamment le partenariat entre les pôles de compétitivité et entre les centres techniques industriels des deux pays, et les accords de cluster qui seront signés cet après-midi sont l’illustration de notre volonté commune de suivre cette voie de partenariat renforcé, un partenariat descendant, par l’innovation et le développement technologique conjoint.