Pénurie de main-d’œuvre au Québec : une catastrophe se profile
La pénurie de main-d’œuvre frappe durement les entreprises québécoises. Le vieillissement de la population reste la principale cause, mais la pandémie de COVID-19 s’étend et modifie le marché du travail. – Pénurie de main-d’œuvre au Québec, une catastrophe se profile
La pandémie a provoqué des pertes d’emplois en 2020, mais le choc a été de courte durée.” En 2021, le Québec retrouvera ses taux d’emploi et d’activité d’avant la pandémie, avec plus de 34 000 emplois qui seront créés en décembre 2021 par rapport à décembre 2019 “, note Emna Braham, directrice adjointe de l’Institut du Québec (IDQ), coauteure du rapport à l’étude. Cela l’amène à penser que le Québec ne connaît pas de “licenciement majeur” comme les États-Unis.
Malgré un taux de chômage très bas (4,5% en février 2022), les offres d’emploi continuent d’augmenter.” Emna Braham dit : “Au Québec, il n’y a qu’un chômeur pour un emploi vacant, et encore moins dans certains secteurs. L’enquête de l’IDQ montre qu’il n’y a que 0,2 chômeur par poste vacant dans les soins de santé et l’assistance sociale, 0,4 dans les services professionnels, scientifiques et techniques et 0,6 dans la construction.
La crise sanitaire exacerbe les déséquilibres du secteur, car elle a entraîné un exode des travailleurs des secteurs les plus touchés, tels que l’hébergement, la restauration, le commerce de gros et de détail. Selon une étude de la Banque de développement du Canada (BDC)[2], 20 % des personnes qui ont perdu leur emploi pendant la pandémie ont déménagé dans d’autres régions et ne retourneront pas dans leur ancien secteur.
Pénurie de main d’œuvre : obstacles à la croissance québécoise
Cette pénurie de main-d’œuvre a un impact important sur les entreprises. La moitié d’entre elles ont du mal à trouver des travailleurs et un quart à conserver leur personnel, selon l’étude de la BDC. “Cela les empêche de maximiser leur potentiel de croissance et leurs bénéfices”, explique Isabelle Bouchard, économiste à la BDC et co-auteur du rapport. Près de la moitié des entreprises interrogées n’ont pas pu honorer les commandes ou ont dû retarder les livraisons.
La concurrence féroce pour les ressources humaines entraîne également une hausse des coûts des salaires et des avantages sociaux. Selon la BDC, la moitié des entrepreneurs confrontés à des difficultés de recrutement ont dû augmenter les salaires et les avantages sociaux, tandis que QDI a noté qu’en 2021, les salaires ont augmenté en moyenne de 2,1 %, pour atteindre 3,4 % à la fin de l’année. Toutefois, l’inflation a augmenté plus rapidement que les salaires au cours de l’année. C’est pourquoi qu’une pénurie de main-d’œuvre deviendra une catastrophe au Québec dans les prochains mois, prochaines années
Prophétie de désastre au Québec face à la pénurie de main d’œuvre
Anne Bourhis, professeur de gestion des ressources humaines à l’École supérieure de commerce de Montréal, estime que la pénurie de main-d’œuvre à toutes les caractéristiques de la catastrophe annoncée. “Nous savons depuis longtemps que le vieillissement de la population aura un impact majeur sur la main-d’œuvre disponible”, dit-elle. “Nous savions également que nous ne formions pas assez de personnes dans certains secteurs, comme les technologies de l’information ou les soins de santé.
L’étude du BDC montre que la croissance de la population active est inférieure à 1 % depuis 2011 et que cette tendance devrait se poursuivre jusqu’en 2036. Les nouveaux arrivants ne suffisent pas à remplacer les baby-boomers qui quittent le marché du travail, et les jeunes commencent leur carrière plus tard. L’immigration ne compense que partiellement ce déséquilibre.
En outre, selon Anne Bourhis, il existe deux autres facteurs spécifiques. La forte économie du Québec a entraîné une forte demande de main-d’œuvre, ce qui a exacerbé la pénurie de main-d’œuvre. La pandémie a changé la façon dont les gens se rapportent à leur travail.” De plus en plus de travailleurs s’impatientent face à ce qui est perçu comme des conditions de travail inférieures, recherchent plus de flexibilité ou remettent en question leur carrière”, a-t-elle déclaré.
Le défi de l’adaptabilité – Pénuries de main d’œuvre accru
Les employeurs s’adaptent aux pénuries de main-d’œuvre, mais beaucoup le font ” à la hâte parce qu’ils n’ont pas d’autres options “, affirme Richard Blain, chargé de cours en gestion des ressources humaines au CRHA et à l’École supérieure des affaires de commerce de Montréal. Rares sont ceux qui prévoient de procéder à de tels ajustements. Mais l’épidémie va se poursuivre pendant longtemps, et nous devons donc adopter une approche stratégique de la gestion des ressources humaines.
Il estime que les employeurs doivent améliorer leur proposition de valeur aux employés et adapter leurs processus de recrutement à leurs groupes cibles.” Il conseille : “Vos produits et services ne sont pas destinés à tout le monde, et votre lieu de travail non plus, il est ainsi bon de savoir qui vous voulez attirer.
Quant aux employés qui travaillent déjà pour l’entreprise, ce serait une erreur de les ignorer. Cela est d’autant plus vrai que leurs attentes en matière de conditions de travail et d’avantages sociaux peuvent changer au fil du temps. Les employeurs doivent rester en contact avec leurs employés”, prévient Richard Bran. Leurs attentes diffèrent. Vous devez alors être en mesure de proposer certaines options tout en respectant l’égalité des employés et les besoins de votre organisation. Si vous savez comment se sent votre équipe, cela permet de prévoir les départs, ce qui est essentiel dans l’environnement actuel.
BDC note que l’automatisation est la solution qui semble fonctionner le mieux pour les problèmes de recrutement et de rétention. Cependant, seulement 10 % des entreprises canadiennes se sont engagées à traiter ces questions entre mai 2020 et mai 2021.” Le Canada est à la traîne des autres pays en termes de productivité, et ce, depuis plusieurs années”, note Isabelle Bouchard.
Des processus de recrutement efficaces et une bonne image de l’entreprise sont également des facteurs de réussite importants. Le salaire et les avantages sociaux sont les éléments les plus susceptibles de réussir à retenir les employés, suivis par les conditions de travail flexibles et le mentorat pour les employés moins expérimentés.
Les entreprises doivent également se concentrer sur les groupes sous-représentés tels que les retraités, les jeunes inexpérimentés, les minorités visibles, les autochtones et les personnes handicapées. Il ne faut pas non plus oublier les employés “de retour”, c’est-à-dire les employés qui ont quitté l’organisation mais qui souhaitent revenir. Parfois, les recruteurs doivent embaucher des candidats qui ne possèdent pas toutes les compétences dont ils ont besoin, mais qui ont un grand potentiel d’évolution.
Les employeurs doivent faire preuve de créativité et trouver la bonne solution pour leur organisation”, déclare Isabelle Bouchard. Tout d’abord, ils doivent parler aux employés et découvrir leurs attentes.
Pénurie de main-d’œuvre au Québec, une catastrophe se profile